Football – HAC : Didier Digard, l’homme qui a résisté à toutes les tempêtes
Invité l’été dernier à s’installer sur un banc déserté par Luka Elsner, parti à Reims avant d’en être limogé, Didier Digard restera comme l’un des acteurs majeurs de cet incroyable maintien en Ligue 1. Mais il lui a fallu résister à de violents coups de vent.
Didier Digard, l’un des grands acteurs de ce maintien, un entraîneur qui a su remettre à l’endroit un groupe à la dérive jusqu’en janvier dernier
Jamais un entraîneur du HAC n’avait été conspué si rapidement, si violemment. Mais sans doute jamais un coach n’était parvenu à pousser si loin le curseur de l’incroyable, de l’impensable. À se dresser si longtemps face à la poussée de l’impossible pour emmener le HAC là où personne ne l’attendait.
Ou quand la cruauté du foot, incarnée par des supporters qui incitèrent tout un stade à réclamer la tête de Didier Digard, un soir de février et de revers face à Toulouse (1-4), un soir de jamais vu au Havre, lunaire, vient de laisser place à la beauté, quand ces mêmes fans se mirent à entonner des « Merci Digard », samedi à la Meinau. Pas rancunier, l’entraîneur havrais resta alors quelques minutes à applaudir des fidèles encore une fois exceptionnels. « Je n’ai pas de revanche à prendre. Qu’on ne m’aime pas, ça ne me dérange pas. On avait un objectif, on l’a atteint, d’une manière incroyable, c’est tout ce qui compte. »
« Moi, je suis bête et bourrin »
Oui, n’en déplaise à ses détracteurs, Didier Digard (38 ans), l’enfant de la Cavée, restera associé à l’une des saisons les plus folles de l’histoire moderne du doyen. Ponctuée d’un maintien à la dernière seconde de la dernière journée. « Je ne réalise pas, avouait-il quelques minutes après le dixième et ultime succès de la saison, lors d’une conférence de presse durant laquelle aucun de ses mots ne trahit ou ne dépassa sa pensée. Ça prendra quelques jours avant de savourer. »
Comme il lui a fallu du temps pour façonner un groupe plombé par quelques individualités mécontentes, l’été dernier, à l’idée d’en reprendre pour dix mois au HAC, pour imprégner sa touche et prouver à ceux qui moquaient sa préférence pour un 5-4 plutôt qu’un 1-0 qu’il avait finalement raison. « Il a fallu aux joueurs apprendre à me connaître. Quand on ne me connaît pas, forcément, ça pique un peu, parce que je dis tout en face. On m’est tombé dessus parce que j’ai beaucoup protégé mes joueurs. Et ils avaient à cœur de me le rendre. Je suis surtout content pour ma famille, parce que c’est elle qui a souffert au final. Moi, je suis bête et bourrin, j’ai l’habitude, je suis exposé depuis longtemps. Et je n’ai pas une tête qui plaît énormément. »
« J’accepte qu’on dise que je suis mauvais, mais… »
Comme un délit de sale gueule accolé à un technicien auquel fut longtemps reprochée une certaine passivité dans sa zone technique lorsque la tempête emportait ses joueurs, tout comme furent ardemment critiqués des choix tactiques et d’hommes lors de la phase aller. « On peut dire tout ce que l’on veut, mais surtout, que jamais on ne remette mon investissement en question. J’ai vécu des dernières semaines très compliquées d’un point de vue familial, mais personne n’a rien remarqué. J’ai tout donné. J’accepte qu’on dise que je suis mauvais, mais qu’on ne dise surtout pas que je n’aime pas ce club. »
Samedi, un point final a donc été mis à la saison de tous les contrastes, puisque dernier de la classe à domicile (11 pts), sixième à l’extérieur (23 pts). Celle de toutes les peurs aussi, car lanterne rouge au sortir des 19e et 20e journées, avec 9 et 8 pts de retard sur Reims. Mais jamais dans les bureaux la confiance qui lui fut faite au départ de Luka Elsner ne s’est fissurée. À contre-courant des deux relégués (Montpellier et Saint-Étienne) et du barragiste (Reims), le HAC a misé sur la stabilité de son staff technique. « Il n’y a pas deux clubs comme ça en France, assure l’ex-Niçois. J’ai une direction incroyable. Et à l’arrivée, par rapport à la saison dernière, on fait plus de points (34 contre 32), plus de victoires (10/7) et on marque plus de buts (40/34). Les chiffres sont là. » Eux seuls détiennent les clés de la vérité. « Et moi, conclut Digard, là, je suis complètement carbo. »
Par Benoît Donckele de Paris Normandie.